Troisième méditation métaphysique : les idées et le problème de l'existence de Dieu

par - mai 24, 2023


Annonce : Des six Méditations Métaphysiques, la seconde partie de la Méditation III est peut-être la plus difficile, en tout cas la plus technique et spéculative. À partir de la considération des idées et du principe de causalité, Descartes va démontrer l’existence de Dieu. L’objet de cette méditation (l’existence de Dieu) et le vocabulaire que Descartes emprunte à la philosophie médiévale, expliquent que ces textes semblent éloignés des considérations plus universelles des deux premières méditations, et en particulier les questions du doute, de la recherche de la vérité et de la connaissance de soi. Dès lors, pour comprendre tout ce qui est en jeu dans cette méditation fondamentale pour saisir la progression du texte et plus généralement l’unité des Méditations Métaphysiques, nous allons diviser en trois cette partie du texte. Dans un premier temps nous suivrons le cheminement de Descartes pour voir comment il prétend démontrer l’existence de Dieu. Dans un second article nous reprendrons toutes les objections qui peuvent être faites à cette preuve, nous verrons que Descartes répond à la plupart de ces objections. Enfin dans un dernier temps nous réfléchirons au statut de l’existence de Dieu dans l’échafaudage des méditations et dans la recherche de la vérité.

Les modes de la pensée


    La réflexion inaugurale sur le critère de l’évidence a permis de préciser les nombreuses questions que la philosophie première doit maintenant résoudre. Pour ces questions, comme depuis le début des réflexions métaphysiques qu’il mène, Descartes rappelle qu’il faut suivre l’ordre des raisons et toujours se tenir sur le sol de l’évidence de l’ego cogito. À partir de ce que l’on connaît avec certitude nous cherchons à découvrir ce que nous ignorons.

Et afin que je puisse avoir occasion d’examiner cela sans interrompre l’ordre de méditer que je me suis proposé, qui est de passer par degrés des notions que je trouverai les premières en mon esprit à celles que j’y pourrai trouver par après, il faut ici que je divise toutes mes pensées en certains genres, et que je considère dans lesquels de ces genres il y a proprement de la vérité ou de l’erreur.

    Les distinctions de la 2nd Méditation sont ici cardinales pour comprendre le texte de Descartes et l’orientation de la nouvelle méditation. Nous avons expliqué la différence entre la substance, l’attribut qui le définit en propre et les modes de l’attribut qui sont des modifications non essentielles à l’existence de la substance. Ici, Descartes ne cherche plus seulement à comprendre le rapport entre l’ego (substance) et la cogitatio (l’attribut) puisqu’il considère la cogitatio en elle-même afin d’y établir plusieurs distinctions. Ces distinctions dans l’ordre de la cogitatio permettent alors de se déporter de l’ego vers les différents objets de la pensée qui restent problématiques. Descartes distingue ici trois modes selon que ce sont des idées qui représentent des étants « comme les images des choses » ; des volontés qui déterminent des objets comme fins et moyens ; et enfin, des jugements lorsque j’affirme ou je nie, lorsque je forme des propositions affirmatives et négatives.

    De ces trois formes de pensée, c’est l’idée qui est la plus importante pour poursuivre la recherche puisqu’elle nous représente des êtres distincts de nous. Selon Descartes, l’idée est un mode de la pensée qui représente un être quelconque, qu’il soit sensible, formel ou métaphysique. Dans une lettre à Mersenne de Juillet 1641, il définissait l’idée comme « tout ce qui est dans notre esprit, lorsque nous concevons une chose, de quelque manière que nous le concevons. » L’idée c’est donc la manière dont l’esprit se représente une chose quelconque¹.

Maintenant, pour ce qui concerne les idées, si on les considère seulement en elles-mêmes, et qu’on ne les rapporte point à quelque autre chose, elles ne peuvent, à proprement parler, être fausses ; car soit que j’imagine une chèvre ou une chimère, il n’est pas moins vrai que j’imagine l’une que l’autre.

    Lorsque nous considérons une idée pour elle-même, non pas seulement comme un signe qui renvoie à quelque chose hors de soi, mais comme un mode actuel de la pensée qui représente une chose, alors elle n’est ni vraie ni fausse - (on parle de neutralité aléthique). L’idée est le corrélat d’un acte de la pensée qui est évident en lui-même indépendamment de ce qu’il représente². Descartes modifie considérablement la conception commune de l’idée en précisant que par elle-même elle n’est la cause d’aucune erreur. Malgré les nombreuses figures du doute qui subsistent, l’idée est un élément évident par soi et l’on ne commet aucune erreur si nous nous en tenons à ce que l’idée représente – à proprement parler il est juste que je pense actuellement cet étant x si je le pense. D’autre part, et ceci est le corollaire du premier point, à partir du moment où l’on distingue entre ce qui juge et l’idée qui représente, on accorde à la représentation une positivité et une évidence nouvelle. Non seulement l’idée possède une réalité formelle, car sa présence immédiate est indubitable, mais la réalité objective, c’est-à-dire ce qu’elle représente, est aussi un donné immédiat et indubitable de la conscience. Que cette pomme soit rouge ou non, il est évident et partant indubitable que j’ai ici et maintenant l’idée d’une pomme rouge et que je peux ainsi la décrire, la réfléchir, la comparer, la définir, etc. Pour reprendre l’expression de Pierre Guenancia (p.178), Descartes montre ainsi que par l’idée ce n’est pas la chose qui est représentée, mais plutôt la représentation de la chose qui est présente, et c’est cette représentation qui est l’objet et le seul objet de l’entendement³. La Méditation III s’apparente alors à une phénoménologie de l’idée puisqu’elle veut étudier l’idée en tant que telle, indépendamment de ce que nous jugeons et des relations que nous établissons spontanément entre l’idée et la chose qu’elle représente.

La route des Idées


    Une fois établie l’évidence de l’idée comme mode de la cogitatio, Descartes précise les différentes espèces d’idées que nous possédons. Dans une classification devenue célèbre et discutée par la plupart des philosophes postérieurs, Descartes distingue entre des idées innées, des idées sensibles et des idées produites et inventées par nous-mêmes.
    (i)-Les premières idées sont dites innées car elles ne sont pas acquises par l’expérience et sont nécessaires à toute substance pensante. Indépendamment de l’expérience ou de la réflexion, tout être intelligent possède ces idées du fait même de sa nature rationnelle. Ces idées sont constitutives de la rationalité et déterminent toutes les pensées en général. Au nombre des idées innées, Descartes mentionne ici une chose-res, la vérité-veritas, une pensée-cogitatio. Dans d’autres textes (Principes I,48, Méditation V) Descartes ajoute à cette liste tous les objets noétiques simples à partir desquels nous considérons tous les objets composés, ce sont les idées d’étendue, du mouvement, de la pensée, de l’existence, de l’unité et plus généralement tous les rapports mathématiques et les essences immuables étudiées par la géométrie (nous y reviendrons dans la Méditation V). Quoi qu’il en soit de la liste définitive, Descartes explique que ces idées innées ne peuvent être acquises par l’expérience non seulement parce qu’il est impossible de faire l’expérience d’objets tels que le vrai, la chose, l’existence, mais surtout parce que ces idées sont nécessaires à toute expérience et tout jugement. Sans ces idées données a priori, il ne pourrait y avoir aucun objet et aucune pensée déterminés. Car pour juger d’objets tels que la spatialité, l’unité, la chose ou la vérité, il faut déjà posséder leur connaissance, sinon nous ne pourrions jamais les reconnaître.
    (ii)-La seconde espèce, les idées sensibles, réunit toutes les idées acquises par l’expérience à partir de nos organes sensibles qui nous représentent des corps sensibles.
    (iii)-Enfin, la troisième classe d’idée, potentiellement beaucoup plus grande que les deux premières, réunit toutes les idées produites par notre esprit et notre imagination. Cette troisième classe comprend toutes les fictions de l’imagination que nous pouvons produire à partir des idées innées et sensibles.

L’origine des idées : les idées sensibles


    L’existence d’une classe d’idées adventices qui nous viennent des corps extérieurs/sensibles produit une première ouverture et une première orientation pour découvrir l’existence d’un être distinct de l’ego. En effet, de la distinction entre les idées sensibles et les idées innées, apparaît une première différence entre ce qui est propre à notre raison et ce qui nous est extérieur, différence nous permettant de réfléchir à l’existence des étants représentés par ces idées sensibles. Est-ce que nos idées sensibles ne nous prouvent pas quotidiennement l’existence d’étants distincts de notre propre existence ? Descartes écrit :

Et ce que j’ai principalement à faire en cet endroit, est de considérer, touchant celles qui me semblent venir de quelques objets qui sont hors de moi, quelles sont les raisons qui m’obligent à les croire semblables à ces objets.

    Descartes se demande ce qui, dans l’idée sensible, nous pousse à postuler une conformité avec l’être qu’elle représente. Le questionnement est ici critique puisqu’il pose la question du rapport entre le connaître et l’être, et plus précisément interroge ce qui permet de concevoir une similitude entre l’idée sensible et ce qu’elle représente (l’être). Descartes réfléchit maintenant à ce qui nous autorise à postuler une conformité entre l’idée sensible et les objets qu’elle représente.
    Selon Descartes, avant toute réflexion philosophique, lorsque nous sommes dans l’attitude naturelle, nous sommes fondamentalement réalistes et ce pour plusieurs raisons. (i) Une première raison est naturelle et pragmatique : indépendamment du questionnement philosophique et de la méditation, tous les hommes ont une inclinaison naturelle à accorder une créance à leurs idées sensibles. C’est pour cette raison que les hommes parviennent à subsister et à éviter les dangers. Avant toute forme de réflexion et de distinction entre l’idée du feu et le feu, quiconque voit une flamme s’en éloigne. (ii) La seconde raison est psychologique et causale : dans la mesure où la plupart de nos idées sensibles ne dépendent pas de notre volonté et s’imposent à notre attention, il peut sembler évident que ces idées sont causées par un être distinct du nôtre. Descartes écrit que l’antériorité logique de la cause de ces idées rend « raisonnable de juger que cette chose étrangère envoie et imprime en moi sa ressemblance. »
    Remarquons qu’ici Descartes n’en reste pas à une simple reprise de l’empirisme naturel qu’il a discuté dans la 1ère Méditation en démontrant le caractère dubitable de l’existence des corps ; à la seule précipitation de nos jugements, il ajoute qu’il semble y avoir une disposition naturelle à juger de l’existence des corps et de leur conformité aux idées qui nous les représentent.

    Descartes réfute par trois fois la possibilité d’atteindre la connaissance d’un être distinct du nôtre à partir des seules idées sensibles, et donc de leur origine apparemment externe. Reprenons précisément ces trois raisons qui ont une importance considérable dans l’histoire de la philosophie.
    (i)-Contre l’argument de l’inclinaison naturelle, Descartes montre qu’une telle raison n’en est pas une et que jamais une habitude – aussi vitale et naturelle soit-elle – ne permet d’établir la vérité et la validité d’une créance. L’inclinaison naturelle est précisément l’inverse de la lumière intellectuelle qui nous fait connaître la vérité. Loin d’être un argument pro, l’idée d’une inclinaison naturelle et d’une attitude naturelle fondamentalement réaliste est un argument contra puisque la philosophie cherche précisément à suspendre les habitudes naturelles afin de fonder nos jugements sur des raisons.
    (ii)-Contre le second argument, Descartes argue qu’il n’est ni évident ni indubitable que les idées sensibles viennent d’une existence distincte de nous-mêmes et de notre activité. Que ces idées soient apparemment indépendantes de notre volonté n’implique pas pour autant qu’elles soient produites par une autre existence. Au contraire, à moins de croire que nous avons une conscience parfaite de toutes nos activités et de toutes nos facultés, il est possible de faire l’hypothèse que ces idées sont produites par nous-mêmes et par certaines activités qui échappent à notre aperception immédiate. Il n’y a d’ailleurs pas besoin de pousser trop loin l’hypothèse dans la mesure où l’activité onirique nous montre quotidiennement comment des idées et des représentations d’objets apparemment sensibles peuvent se produire en nous indépendamment de notre volonté. Dès lors, aucun de ces deux arguments ne nous permet d’inférer l’existence d’un être distinct du nôtre à partir de la seule considération des idées sensibles. Mais Descartes ajoute une précision cardinale pour comprendre le problème qu’il construit :

Et enfin, encore que je demeurasse d’accord qu’elles sont causées par ces objets, ce n’est pas une conséquence nécessaire qu’elles doivent leur être semblables.

    L’origine des idées sensibles ne permet pas d’avoir la certitude de l’existence d’une cause distincte de notre être. Mais quand bien même cette hypothèse serait probante, rien dans celle-ci ne permet d’inférer la ressemblance entre l’idée et la chose représentée. Considérant l’idée comme médium de représentation, Descartes explique que la fonction représentative de l’idée ne permet pas pour autant d’établir une conformité ou une ressemblance entre l’idée sensible (son contenu objectif) et ce qui est représenté (la chose dont nous pensons que l’idée est une représentation).
    (iii)-Sans pour autant sortir du registre de la représentation puisque nous n’avons aucune connaissance extrinsèque à nos idées, nous savons que certaines idées sensibles sont purement relatives à nos organes et à notre situation spatio-temporelle. C’est le cas avec l’idée du soleil : nous avons une idée sensible du soleil qui nous le représente comme une source de chaleur extrêmement petite dans notre horizon, alors que par nos connaissances en astronomie, nous avons une autre idée du soleil comme la plus grande planète du système solaire. Par cet exemple, Descartes montre que l’idée intellectuelle formée à partir des lois mathématiques et donc des idées innées nous informe davantage sur la réalité du soleil que l’idée sensible. Dès lors, loin d’être conforme à l’être extérieur qu’elle représente, l’idée sensible est bien plutôt la plus dissemblable à l’être effectif des choses.

    1ere conclusion : La considération des idées sensibles interdit donc l’inférence d’une existence distincte de la nôtre, et réfute définitivement toute compréhension naïve de l’idée sensible comme ressemblance avec le corps sensible. Lorsque nous nous en tenons à nos idées sensibles, nous ne trouvons en elles aucune raison de croire à une ressemblance avec la chose représentée. Voilà donc les deux problèmes radicalisés : en considérant seulement nos idées, nous n’avons pas la connaissance d’un être en acte distinct de nos idées ; de plus, nous n’avons aucune raison de croire que nos idées sensibles nous représentent les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes.

La nouvelle route des idées : la causalité


    Descartes persévère dans l’ordre des idées en remarquant qu’il y a une nouvelle voie qui consiste à se questionner précisément sur l’être réel de l’idée¹⁰. Pour le dire en quelques mots, la première tentative était trop simpliste et directe en cherchant seulement si la représentation d’un être sensible permettait d’inférer l’existence de l’être qu’elle représente. Au contraire de ce raisonnement seulement psychologique qui n’a fait que radicaliser la séparation de la représentation et de l’être, de l’idée et de la chose, Descartes va se questionner précisément sur la réalité de l’idée indépendamment de la corrélation. De manière dialectique, c’est-à-dire par voie négative, il se demande alors si le sujet pensant – l’ego cogito peut être effectivement la cause de toutes les idées que nous possédons. Le raisonnement modifie ainsi un élément cardinal par rapport à la précédente tentative : au lieu de réfléchir à la relation entre les idées et une extériorité que nous ignorons, Descartes se demande plus simplement si notre réalité formelle peut être la cause de toutes les réalités objectives que nous nous représentons au travers des idées. Avant de suivre ce raisonnement précis, nous allons d’abord reprendre les termes de la démonstration.

    Descartes remarque tout d’abord qu’il faut prendre la mesure du champ des idées et des distinctions que nous pouvons y établir. Avant de considérer l’idée comme le signe ou le médium de représentation renvoyant à un être extrinsèque, il faut tirer tous les enseignements de ce fait indubitable pour la conscience : les idées sont des réalités¹¹. Indépendamment de ce qu’elle représente ou non, l’esprit a à faire avec des idées, elles sont présentes à lui ; voilà pourquoi on dit très souvent qu’il ne peut pas les chasser de son attention et qu’elles s’imposent à sa conscience. Comme mode de la pensée, l’idée a donc une réalité à part entière – une réalité formelle dans le vocabulaire de Descartes. Or, à toute réalité correspondent des règles précises qui expliquent son existence. Dans une page très importante, Descartes va énoncer certaines règles formelles qui fonctionnent pour toutes les réalités dont les idées font parties¹² :

Maintenant c’est une chose manifeste par la lumière naturelle qu’il doit y avoir pour le moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet : car d’où est-ce que l’effet peut tirer sa réalité, sinon de sa cause ? Et comment cette cause la lui pourrait-elle communiquer, si elle ne l’avait en elle-même ?
    
    Descartes ne revient pas sur l’ordre des méditations et n’introduit pas subrepticement certaines vérités ou règles sans les démontrer. Au contraire, la référence à la lumière naturelle signifie qu’il mène à la clarté et à l’explication certains éléments contenus implicitement dans nos premières vérités. La découverte de l’ego, et plus encore de sa nature pensante, se fondait déjà sur le principe de causalité que Descartes explicite ici : s’il y a de la pensée, disait la 2nd Méditation, c’est qu’il y a nécessairement une substance qui est la cause même de la pensée. À la suite de cette première vérité sur le cogito, la lumière naturelle démontre que tout effet (qui a une réalité) tire sa réalité d’une cause qui possède au moins autant de réalité que ce qui se retrouve dans l’effet. Ainsi, de la seule relation entre l’ego et la cogitatio, il est possible de tirer un certain nombre de principes formels qui régissent chaque rapport entre deux choses qui existent, et en premier lieu le principe de causalité qui énonce que tout effet existant en acte à une cause. Par définition, la cause est la raison d’un effet déterminé, ce qui produit sa réalité et rend raison de son existence. En tant que principe de l’existence de l’effet, la cause rend nécessairement raison de l’ensemble de l’effet, et c’est pourquoi elle doit avoir au moins autant ou davantage de réalité que son effet. De ce principe de causalité, Descartes tire alors les trois règles suivantes :

  1. Il y a autant ou davantage de réalité formelle dans la cause que dans l’effet. Il peut toujours y avoir davantage de réalité formelle dans la cause car elle n’a pas à être égale à l’effet et il n’y a aucune nécessité que la cause transfère toute sa réalité dans l’effet. Cependant, en considérant seulement l’effet, nous pouvons établir la réalité formelle de la cause. Ce qu’on nomme la raison des effets consiste à comprendre la cause à partir de l’existence et de la considération de l’effet, sans pouvoir réduire notre connaissance à la seule cause.
  2. Étant donné que la cause contient au moins autant de réalité que son effet, la cause produit par définition toute la réalité de l’effet. Raison pour laquelle le néant n’est jamais la cause d’un effet. C’est la raison pour laquelle un effet sans cause est une contradiction.
  3. Si le néant ne produit rien et que la cause possède au moins autant de réalité que dans son effet : ce qui est le plus parfait, qui a en soi plus de réalité, ne peut pas provenir de ce qui en a le moins.

    Nous pouvons alors appliquer ces trois règles pour classifier et réfléchir à nos idées. Lorsque nous passons nos idées en revue, nous observons leur grande diversité objective, diversité de perfection dans les objets dit Descartes. De ce fait, la cause formelle des idées a au moins autant ou plus de perfection que la réalité objective de l’idée qui en est l’effet, et la diversité des contenus objectifs doit s’expliquer par des différences causales. De même que la pierre qui existe en acte est nécessairement venue à l’existence par une cause qui possède au moins autant de réalité qu’elle, l’idée de la pierre a été produite par une cause qui contient nécessairement autant (ou +) de réalité que le contenu objectif de cette idée.
    Ainsi, en vertu du principe de causalité et de l’évidence des idées, je peux énoncer que la grande diversité que je perçois dans la réalité objective de mes idées (ce qu’elles représentent) doit nécessairement s’expliquer par des différences causales¹³. Nécessairement toutes nos idées tiennent leur réalité objective, c’est-à-dire ce qu’elles représentent, d’un patron qui possède toute la réalité ou la perfection formelle de ce qui est représenté. Indépendamment de la conformité ou de la ressemblance entre l’idée et ce qu’elle représente : il est nécessaire que les différentes perfections que nous observons dans nos idées s’expliquent par l’existence d’un être en acte qui possède au moins autant de réalité formelle que ce qui est contenu objectivement dans l’idée.

    Concluons maintenant ce difficile passage et expliquons ce que Descartes en tire : (i) chaque idée, comme mode de l’esprit, a une réalité formelle et répond ainsi aux lois de la causalité qui s’applique à toutes les réalités. (ii) Dans l’idée, nous distinguons sa réalité formelle, ce qu’elle est, de sa réalité objective – son contenu, ce qu’elle représente. (iii) Chaque distinction objective s’explique par une cause efficiente qui contient nécessairement autant ou davantage que son effet – en l’occurrence la réalité objective¹. Par ces distinctions, nous déterminons formellement le rapport entre le contenu objectif de l’idée et sa cause, ce qui permet alors de définitivement poser le problème qui va maintenant nous occuper :

C’est à savoir que, si la réalité objective de quelqu’une de mes idées est telle, que je connaisse clairement qu’elle n’est point en moi, ni formellement, ni éminemment, et que par conséquent je ne puis pas moi-même en être la cause, il suit de là nécessairement que je ne suis pas seul dans le monde, mais qu’il y a encore quelque autre chose qui existe, et qui est la cause de cette idée ; au lieu que, s’il ne se rencontre point en moi de telle idée, je n’aurai aucun argument qui me puisse convaincre et rendre certain de l’existence d’aucune autre chose que de moi-même ; car je les ai tous soigneusement recherchés, et je n’en ai pu trouver aucun autre jusqu’à présent.

    Là encore la méthode cartésienne ne travaille qu’avec des évidences : en examinant ma réalité formelle, dont j’ai une parfaite connaissance, et à partir des lois de la causalité que je viens de rendre évidente, je peux chercher s’il se rencontre en moi une seule idée dont je ne pourrais pas être la cause efficiente. Si je trouve en moi une idée irréductible à ma nature en ce qu’elle me représente un contenu objectif qui excède ma nature formelle, alors je pourrai inférer l’existence en acte de cette cause sans pour autant la connaître en elle-même.

La démonstration


    Nous devons maintenant porter notre attention sur nos idées et réfléchir à chaque contenu objectif. Descartes mentionne la liste suivante :

Or entre ces idées, outre celle qui me représente à moi-même, de laquelle il ne peut y avoir ici aucune difficulté, il y en a une autre qui me représente un Dieu, d’autres des choses corporelles et inanimées, d’autres des anges, d’autres des animaux, et d’autres enfin qui me représentent des hommes semblables à moi.

    Il y a d’une part des idées de substances pensantes, nous-mêmes d’abord puis tous les autres humains que nous considérons comme des res cogitans ; il y a l’idée de Dieu qui est un être infini, tout puissant ; il y a toutes les idées de corps ; aussi des anges, c’est-à-dire des substances pensantes qui possèdent une connaissance parfaite séparée de la matière ; et enfin des animaux, c’est-à-dire des corps qui se meuvent par eux-mêmes.

    (i)-L’idée de l’ego ne pose aucun problème puisque j’ai la certitude de mon existence formelle à chaque fois que je le pense – l’ego est l’exemple paradigmatique de l’identité entre la représentation et l’être. Ensuite, lorsque je me représente des anges, des animaux, ou des res cogitans, il s’agit toujours de substances, qu’on définit depuis les Principes I §51 comme « des choses qui existent de telle façon qu’elles n’ont besoin d’aucune autre chose pour exister ». Malgré l’extrême disparité de toutes ces idées et de toutes ces natures, leur représentation objective n’excède pas ma nature formelle dans la mesure où je suis moi-même une substance. Il est donc impossible d’inférer l’existence d’une substance autre que la mienne en considérant ces seules idées puisque leur réalité objective est adéquate à ma nature formelle. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je peux parfaitement être l’unique substance, déterminant et transposant ma nature substantielle à toutes les idées de substance que je me représente.

    (ii)-Concernant les corps, je me les représente selon deux genres d’idées différentes : soit selon les modes fondamentaux de l’étendue, figure/grandeur/mouvement, ce sont alors des idées rationnelles, (2) soit comme des idées sensibles, des sensations attentives jusqu’aux plus confuses comme la douleur et les affects.
    La première espèce d’idée des corps ne permet pas de conclure à l’existence d’une cause distincte de ma nature formelle. Lorsque je considère les rapports intelligibles de la matière, ce sont des idées proprement rationnelles que j’ai pu produire moi-même à partir de mes idées innées et de mes raisonnements. De même pour les corps que je considère comme des substances dans l’étendue ; même si je ne suis pas une substance étendue et que l’existence même de mon corps reste encore dubitable, je peux parfaitement concevoir, comme pour les premières idées de substance, que je configure le monde de la matière selon ma propre réalité formelle. De ce fait, si je perçois des corps sous la forme de substance par soi, il se peut parfaitement que ce soit moi qui formalise les apparences et que rien dans ces idées de corps ne renvoie à une nature formelle fondamentalement différente de la mienne.
    De même pour les idées d’affections, les douleurs et les qualités sensibles ; rien dans ces idées n’excède ma réalité formelle dans la mesure où c’est l’existence même de ces qualia qui reste encore problématique. Rien dans la chaleur ne me permet d’envisager l’existence d’un être de la chaleur indépendamment de ma complexion somatique et de mon propre sentiment. Dès lors, concernant toutes ces idées des corps, la seule considération de leurs réalités objectives n'exclut pas la possibilité que je sois l’unique cause de toute cette diversité. Comme si j’étais un démiurge qui s’ignore, il n’est pas impossible que je sois l’unique cause formelle de ces idées. Cependant, il reste encore une dernière idée que nous n’avons pas envisagée :

Partant il ne reste que la seule idée de Dieu, dans laquelle il faut considérer s’il y a quelque chose qui n’ait pu venir de moi-même. Par le nom de Dieu j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites.

    Descartes considère ici le contenu objectif de l’idée de Dieu et dénombre plusieurs attributs qui ont en commun d’être au-delà de toute limitation : infini, éternel donc sans limite temporelle, immuable c’est-à-dire sans mouvement, tout connaissant donc sans ignorance, sans limite de puissance, et cause à partir de laquelle toute chose existe. Dans ses objections contre la 3ème Méditation, Gassendi arguait que cette idée n’avait aucune valeur car c’est seulement l’opinion et l’éducation qui déterminent l’idée de Dieu en chaque homme. Cependant, l’objection et l’argument ne portent pas car Descartes ne considère pas ici le Dieu de la révélation et de la foi ; l’idée de Dieu contient des caractéristiques proprement ontologiques. Comme le remarque Henri Gouhier, la réflexion inaugurale sur l’origine des idées permet d’exclure une compréhension culturelle et acquise de l’idée de Dieu puisqu’elle est innée¹⁵. Peu importe le catéchisme, la culture et la foi des individus, Descartes affirme que quiconque pense attentivement à l’idée qu’il a de Dieu, et non pas à un ange, un démon ou une autre créature métaphysique, pense nécessairement à une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante.
    Une fois le contenu objectif décrit, nous pouvons alors nous demander si nous possédons suffisamment de réalité formelle pour produire un tel contenu objectif.

Or ces avantages sont si grands et si éminents, que plus attentivement je les considère, et moins je me persuade que l’idée que j’en ai puisse tirer son origine de moi seul. Et par conséquent il faut nécessairement conclure de tout ce que j’ai dit auparavant, que Dieu existe ; car, encore que l’idée de la substance soit en moi, de cela même que je suis une substance, je n’aurais pas néanmoins l’idée d’une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n’avait été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie.

    La réflexion sur le contenu objectif de l’idée de Dieu mène à une nouvelle preuve de l’existence de Dieu. Sur le sol même de l’évidence de la cogitatio et de ses idées, Descartes dévoile une idée au contenu objectif irréductible à notre nature et radicalement transcendant¹⁶. Lorsque nous considérons les attributs de l’idée de Dieu, nous nous rendons compte qu’ils sont tous éminents c’est-à-dire supérieurs à notre nature finie. Or, à partir des règles formelles établies au préalable, nous savons qu’une cause doit avoir au moins autant, voire davantage de réalité que son effet, et que le moins parfait ne peut pas être cause du plus parfait. Transposées à l’idée de Dieu, ces règles nous permettent de démontrer que je ne suis pas la cause de l’idée de Dieu et donc qu’il existe une cause indépendamment de ma propre existence.
    L’existence de Dieu est la conclusion du fait que je ne puisse pas être la cause de l’idée infinie d’une part, et qu’il doit y avoir au moins autant de réalité dans la cause que dans l’effet d’autre part. En effet, à partir du lien nécessaire entre la réalité formelle de la cause et le contenu objectif de l’idée de Dieu, j'exclue la possibilité d’en être la cause et j’infère donc la nécessité qu’il existe une cause distincte de mon existence. Or cette cause est infinie puisqu’elle doit avoir au moins autant de réalité que ce que je considère dans la réalité objective de l’idée d’infini. Et puisqu’au commencement de notre réflexion nous avons d’abord considéré le contenu de l’idée de Dieu comme un être infini, nous pouvons rationnellement dire que la cause infinie dont nous avons démontré l’existence coïncide avec l’idée que nous avons de Dieu. Descartes a ainsi démontré par la voie des idées l’existence de Dieu en tant que cause de l’idée de Dieu que nous possédons.

Réflexion : une preuve de l’existence de Dieu


    Par ce long et difficile raisonnement sur les idées, Descartes a démontré dans le même temps l’existence d’un être distinct de l’ego et l’existence de Dieu. Cette première preuve de l’existence de Dieu est une invention de Descartes. Critiquée par la plupart des philosophes ultérieurs, cette preuve est aussi plus méconnue que les autres¹⁷. Souvent mal comprise, conçue comme l’affirmation arbitraire de la présence de Dieu en nous, peu de lecteurs ou de philosophes considèrent encore le raisonnement cartésien comme probant et susceptible de nous mener à la connaissance de l’existence de Dieu. En effet, il faut insister sur la notion de preuve pour comprendre toute l’importance de ce début de la Méditation III : par la réflexion sur les idées à partir du principe de causalité, Descartes démontre par voie rationnelle la nécessité de l’existence de Dieu. Ainsi, indépendamment de la foi qui est le propre de la volonté¹⁸, Descartes fait de l’existence de Dieu un objet de la raison et une vérité tout aussi évidente que notre propre existence. 
    Pourtant, cette preuve pose un grand nombre de problèmes sur lesquels nous reviendrons dans notre prochain article. Nous pouvons nous demander si Descartes ne se trompe pas sur l’idée d’infini qu’il pense découvrir au cœur de sa pensée. En effet, l’homme, en tant que créature finie, peut-il se représenter l’infini ? Comme y insistait Thomas d’Aquin, est-ce qu’un entendement fini n’est pas par définition incapable de comprendre Dieu et les espèces intelligibles infinis ? D’autre part, lorsque Descartes prétend se représenter Dieu et son infinité, n’est-ce pas simplement une représentation confuse, à l’inverse de la véritable connaissance et des évidences que nous cherchons ? De plus, depuis la 1ère Méditation, Descartes a conçu à plusieurs reprises la possibilité que nous soyons la cause de certaines idées que nous pensions radicalement différentes de notre propre nature. L’idée d’infini ne pourrait-elle pas être une création de notre esprit ? Comme pour les idées de substances, d’anges, d’animaux et de corps, l’ego ne pourrait-il pas être la cause de cette idée ? Nous reprendrons ces questions dans le prochain article.

Portrait de René Descartes peint par Frans Hals, un peintre baroque néerlandais, qui figure, aux côtés de Rembrandt, parmi les grands noms de la peinture du Grand Siècle hollandais. L'œuvre date de 1649.
"soit que j'imagine une chèvre ou une chimère, il n'est pas moins vrai que j'imagine l'une que l'autre."
René Descartes

1 Nous précisons la différence entre l’image et la pensée afin d’éviter le contresens fait par Hobbes qui identifie l’image et l’idée. Dans le texte des Méditations III, Descartes compare l’idée à l’image sous le mode de la représentation mais il ne les identifie jamais. L’idée comme l’image représentent un étant quelconque, mais ces deux modes de représentation sont deux espèces irréductibles. Nous verrons dans la VIème Méditation comment Descartes distingue et radicalise la différence entre l’imagination et la pensée.
2 Descartes reprend à son compte, en la modifiant, la formule de Lucrèce énonçant de ne pas « imputer aux yeux les défauts de l’esprit ». Pour Lucrèce et les épicuriens les sensations sont toutes justes et ce sont nos jugements et nos opinions qui produisent les erreurs, pour Descartes, c’est l’idée avec ce qu’elle représente qui est neutre au point de vue aléthique.
3 Par-là, Descartes coupe définitivement avec la conception aristotélico-thomiste de la forme intelligible (Aristote, De Anima, III.8) et de l’espèce intelligible (Thomas d’Aquin, Somme de Théologie, Pars I, Questio 84, art. 4-6-7) qui présente l’être intelligé sous le mode de l’intelligence. Malgré les grandes différences entre la noétique aristotélicienne et la noétique thomasienne, les deux auteurs insistent sur l’identité entre la chose et l’espèce sensible ou intelligible. L’espèce, c’est la chose en tant qu’elle est présente et en acte sous le mode de sa sensation ou de l’intellection pour l’âme ; en latin, nous disons que c’est l’id quo (ce à partir de quoi) par lequel on pense l’id quod (ce qui est connu).
4 Voir par exemple, J. Locke, « I. Des notions innées », Essai sur l’entendement humain.
5 Cet argument reprend implicitement la réflexion platonicienne sur l’innéité des objets scientifiques dans le Ménon, et de l’immortalité de l’âme dans le Phédon.
6 Ce raisonnement vient du livre Gamma de la Métaphysique où Aristote démontre, contre le relativisme de Protagoras et d’Héraclite, l’existence des corps indépendamment du jugement. Selon sa conception du mouvement, Aristote explique que la sensation en tant qu’elle est un affect (donc une espèce du mouvement) est causée par un étant en acte distinct et antérieur. Aristote, Métaphysique, Gamma, 5, 1010b32-35.
7 Descartes écrit à la suite : « Car tout de même que ces inclinations, dont je parlais tout maintenant, se trouvent en moi, nonobstant qu’elles ne s’accordent pas toujours avec ma volonté, ainsi peut-être qu’il y a en moi quelque faculté ou puissance propre à produire ces idées sans l’aide d’aucune chose extérieure, bien qu’elle ne me soit pas encore connue ; comme en effet il m’a toujours semblé jusques ici que, lorsque je dors, elles se forment ainsi en moi sans l’aide des objets qu’elles représentent. »
8 Cet exemple est une reprise du De Anima III.3 d’Aristote. Aristote y distingue entre l’image du soleil-qui nous apparaît à l’horizon, et l’opinion que nous avons du soleil comme la plus grande planète du système solaire. Par cette distinction, Aristote réfute la conception platonicienne de l’imagination comme synthèse de l’image et de la croyance, et montre ainsi que nous avons sur un même objet une image et une croyance qui différent. Descartes reprend la même contradiction et substitue simplement deux idées – sensibles et intellectuelles – à la différence image (phantasma)-croyance (upolépsis) du texte d’Aristote.
9 Dan Arbib résume la chose : « Notons qu’ici l’ego examine deux thèses à la fois : que les idées me viennent de choses extérieures et que ces choses soient semblables à l’idée que j’en ai. (Et ici il poursuit) : La Méditation VI confirmera l’existence des choses extérieures, mais toute l’œuvre de Descartes est une réfutation de la ressemblance entre l’idée et la chose. »
10 Descartes, 3ème Méditation, « Mais il se présente encore une autre voie pour rechercher si, entre les choses dont j’ai en moi les idées, il y en a quelques-unes qui existent hors de moi. »
11 Selon Vincent Carraud, Descartes est le premier à substituer la question de la réalité à la seule distinction entre l’existence et la non-existence, l’être et le non-être. Voir V. Carraud, « Des choses réelles à la réalité des choses », Quaestio, n.17, 2017, p.199-216.
12 Carraud, V., Ibid, p.204 : « La réalité ne s’oppose pas à la représentation, elle est la réalité même de ou dans la représentation, de ce qui est en tant qu’il est par représentation. Le choix cartésien de realitas pour les deux, est comme la postulation d’un concept univoque qui puisse valoir et pour la chose en tant que chose et pour la chose représentée dans l’intellect. »
13 À cette règle, nous pourrions répondre que toutes les idées et leur réalité objective seraient des créations à partir d’autres idées antérieures, et dans ce cas la réalité objective des idées antérieures suffirait à expliquer toutes les distinctions objectives que nous remarquons entre les idées. Mais Descartes précise que jamais une idée ne peut être le seul produit d’une autre idée antérieure, il faut toujours une réalité formelle pour produire une idée et une représentation.
14 Henri Gouhier résume la chose comme suit : « La force de l'argument tient donc à la thèse proprement cartésienne que la réalité objective d'une idée est de l'être et, comme telle, se trouve régie par la loi qui exclut toute génération spontanée d'être. » Gouhier H., La pensée métaphysique de Descartes, Paris, Vrin, 1987, p.180.
15 Gouhier, H., La pensée métaphysique de Descartes, Paris, Vrin, 1987, p.189 : Si la présence en moi de son idée permet de démontrer l'existence de Dieu, c'est que l'idée a une autre origine que l’opinion ; on comprend ici pourquoi la longue recherche sur l'origine de l'idée est essentielle à la preuve : celle-ci n'est probante qu'à partir d'une idée née avec moi et irréductible à toute combinaison d'idées acquises. »
16 Pierre Guenancia conclut : « Seule l’idée qui me représente un Dieu introduit dans la sphère de la représentativité un surplus qui ne se laisse pas réduire comme toutes les autres représentations, à la capacité de l’esprit. » Guenancia, P., Lire Descartes, Paris, Folio, 2000, p.182. 
17 Kant par exemple, ne la discutera pas dans ses nombreuses critiques des preuves de l’existence de Dieu dans La critique de la raison pure.
18 Voir Thomas d’Aquin, De Veritate, Questions disputées, Questions XIV-La Foi.

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