comment était organisée la société avant la révolution française (partie 3 : 4/4)

par - mai 01, 2023



 Il est temps désormais de parachever cette traversée du Tiers Etat. Après avoir dressé une présentation génétique de l'ordre en lui-même lors d'une première sous-partie, nous avons, dans la seconde, parcouru la bourgeoisie dans toutes ses composantes sociologiques. La troisième sous-partie fut le lieu d'observation des classes populaires urbaines. 
    On ne peut plus tellement descendre désormais, car la paysannerie se tient elle aussi, à côté du peuple laborieux des villes, tout au bas de la société. Nous voilà donc rendus au sol, comme disait Rimbaud, aux côtés des paysans. 

La paysannerie d’Ancien Régime

    La France d’Ancien Régime est une société essentiellement rurale. La production agricole y domine largement la vie économique, malgré les progrès importants des activités manufacturières et industrielles que nous avons détaillées de près lors de la seconde sous-partie. Alors, forcément, la question paysanne fut l’une des plus importantes au cours de la révolution.
    Il y a d’abord l’importance numérique de la paysannerie. Sur les 27,6 millions d’habitants que compte le royaume - avec une population urbaine que l’on peut approximativement estimer entre 16 et 20% - la population rurale forme quelque chose comme environ 23 millions d’individus. Sans la participation de la paysannerie aux événements révolutionnaires, la Révolution n’aurait peut-être pas abouti, et la bourgeoisie, elle, n’aurait certainement pas pu venir à bout du système des privilèges. Le motif essentiel de l'intervention de la paysannerie dans la révolution fut la question des droits seigneuriaux et des survivances tenaces de la féodalité. En prenant part à l'embrasement révolutionnaire, elle a entraîné l’abolition radicale de ce régime féodal vieux de plusieurs centaines d’années qu’elle exécrait si profondément.
 
    La propriété paysanne varie selon les régions. Son importance était de 22 à 70% du sol suivant les endroits. Sur les riches terres à blé ou d’élevage du Nord, du Nord-Ouest et de l’Ouest, la propriété paysanne était faible, car la terre était surtout accaparée par les seigneurs, le clergé ou les bourgeois opulents. Les terres appartenant aux paysans étaient peut-être de 30% dans le Nord, 18% dans les Mauges et 22% dans les plaines du diocèse de Montpellier¹. La part des paysans est a contrario très importante dans les régions primitivement bocagères ou forestières et dans les montagnes, là où les défrichements médiévaux avaient été abandonnés à l'initiative individuelle. En revanche, la propriété paysanne était très faible dans les régions où l’aménagement du sol avait nécessité d’importantes mises de fonds, ou encore aux environs des villes où les nobles et les bourgeois se sont appropriés la majeure partie des terres. La propriété paysanne paraît très vaste : environ 35% à l’échelle du royaume. Seulement, en raison de l’importance numérique des paysans, la part revenant à chacun d’eux était très faible, pour ne pas dire infime. La plupart avaient une terre qui ne représentait quasiment rien, dont les dimensions étaient le plus souvent celles d’une petite propriété parcellaire. Les plus nombreux parmi la population rurale globale sont encore ceux qui n’ont carrément aucune terre, qui ne possèdent rien, ceux que l’on appelle les brassiers ou journaliers, ceux qui n’ont que leurs bras à proposer et qui constituent pour ainsi dire un prolétariat rural. La condition paysanne est donc très variable, et les deux grands facteurs de cette diversité sont d’une part la condition juridique des personnes et, d’autre part, la répartition de la propriété et de l’exploitation foncières.
    La condition juridique. On distinguait les serfs et les paysans libres. La très grande majorité des paysans étaient émancipés depuis fort longtemps. Seulement, il existait encore des serfs, peut-être 1 million d’hommes, notamment dans le Nivernais et en Franche-Comté. Les serfs sont des individus qui n’ont aucune liberté personnelle sur le plan juridique. Ils sont attachés à une terre, la glèbe, et en cela ils sont soumis à des obligations, notamment la corvée, auxquels sont assujettis également les paysans libres. Les serfs ont une condition qui est quelque peu au-dessus de celle de l’esclave proprement dit. Sur eux pesait la mainmorte : leurs enfants ne pouvaient pas hériter, même des biens mobiliers du père, sauf en payant au seigneur des droits dits de mainmorte, dont le montant était, le plus souvent des cas, trop important pour eux. En 1779, Necker abolit la mainmorte dans les domaines du roi. Il mit fin également, cette fois-ci à l’échelle de tout le royaume, au droit de suite qui permettait au seigneur de revendiquer ses droits sur les serfs fugitifs.
    Parmi les paysans libres, nombreux sont les brassiers. N'ayant que leur force de travail à proposer pour vivre, ils forment le prolétariat agricole. Les bastions de paysans sans propriété ne cessent de croître durant ce XVIIIe siècle d’inflation continue, et particulièrement durant la toute fin du siècle, notamment en raison de la réaction seigneuriale, phénomène sur lequel nous allons revenir un peu plus loin. Elle consista en une aggravation des charges féodales à cause de ce que les seigneurs exigèrent la plénitude de leurs droits en invoquant les terriers, ces parchemins médiévaux censés renfermer l’énumération de tous leurs droits tombés depuis longtemps en désuétude. Dans les environs de Dijon et en Bretagne, le nombre des brassiers a doublé au cours du XVIIIe siècle. Leur augmentation se fait au détriment des petits cultivateurs propriétaires. Malgré la hausse des salaires nominaux, les conditions d’existence des brassiers s’aggravent en raison, là encore, de la hausse des prix décrite lors de la sous-partie précédente. Très proches de ces prolétaires ruraux, nous trouvons un grand nombre de petits paysans parcellaires qui n’ont pour vivre - soit qu'ils la possèdent, soit qu'ils la louent - qu'une petite terre souvent bien insuffisante. Ils durent alors trouver des ressources complémentaires pour pouvoir vivre. La plupart devinrent donc ces travailleurs salariés saisonniers, à domicile ou dans des ateliers ruraux ou urbains, dans le cadre notamment de la proto-industrie. Jean-Paul Bertaud, toujours dans son style rapide et énergique, évoque la douloureuse condition de ces individus en proie aux changements en cours dans les structures économiques et sociales, les obligeant à s'adapter : 

Les paysans français sont [...] souvent propriétaires d'une parcelle de terre. Celle-ci est insuffisante pour les nourrir et beaucoup doivent louer des métairies ou des fermes, les premières souvent à un prix exorbitant. Quand ils n'en trouvent pas, ils se font, comme les manouvriers qui travaillent avec eux dans les champs, fileurs, tisserands, menuisiers, batteurs en grange, ouvriers saisonniers, parcourant les plaines à la recherche d'un emploi qui souvent les fuit : leur femme se fait ouvrière pour le compte d'un marchand fabricant de la ville proche, leurs filles domestiques, leurs enfants en bas âge vachers ou pâtres. Ils s'épuisent les uns et les autres à gagner quelques sols [sous], à préserver ainsi le petit patrimoine des terres légué par les ancêtres. Ils ne sont rien mais, la barrière de leur lopin de terre refermée, la porte de leur masure close, ils sont maîtres chez eux.² 

    Quand ces pauvres de la campagne trouvent à s'embaucher dans les manufactures rurales, ce n'est que pour un salaire d'appoint misérable. Les ouvriers ruraux furent moins payés que ceux des villes où les réglementations étaient de mise. La liberté du travail dans les campagnes permettait aux patrons de sous-payer, au-delà même du raisonnable, ces travailleurs qui, du reste, n'étaient pas en mesure, au vu de leur situation, de contester. Nous avions vu qu'une fileuse pouvait toucher 4 ou 5 sous par jour, et un tisserand, quelque chose entre 8 et 10 sous. Ces ouvriers ruraux, qui travaillent pour un salaire de complément en-dessous du salaire naturel dont parlait Adam Smith, pataugent bel et bien, pour reprendre l'expression de Marx, dans la fange du paupérisme³.
    La répartition de la propriété et de l’exploitation foncières. Les propriétaires nobles, ecclésiastiques ou bourgeois n'exploitent pour ainsi dire quasiment jamais leurs terres eux-mêmes. Ils les donnent donc en fermage ou alors, le plus souvent, en métayage à des paysans. Ce sont les deux modalités typiques de mise en exploitation de la terre dans l’Ancien Régime. Ces deux pratiques socio-économiques revêtent d'importantes différences : dans le cas du fermage, le propriétaire de la terre perçoit un loyer de la part du fermier dont le montant est déterminé dans l'acte même de la contractualisation entre les deux hommes; tandis que dans le cas du métayage, le bailleur de la terre perçoit une part des fruits de la production agricole générée par le métayer. Ici encore, le partage des produits de la terre et des charges de l’exploitation s’organise selon un principe dit de tiercement : ⅓ pour le propriétaire et ⅔ pour le métayer. Toutefois, l'opération, selon les contractants, peut connaître quelques souplesses, de sorte que le bailleur peut recevoir une part excédant le tiers. En principe, cette répartition des fruits de la production entre le métayer et le bailleur se fait en nature, mais le contrat peut prévoir des partages de recettes monétaires. Les parcelles étant le plus souvent dispersées, elles sont alors louées isolément, de sorte que les brassiers ne parviennent pas à se procurer un petit lopin; quant aux petits propriétaires, ils ne peuvent espérer agrandir leur exploitation. 

Les métayers

    Ils constituent, pour ainsi dire, parmi toute cette paysannerie parcellaire, le groupe le plus nombreux. Les ⅔ voire les ¾ de la France sont peut-être des pays de métayage. Ce mode d’exploitation dominait très largement au sud de la Loire, notamment dans les régions du Centre (Sologne, Berry, Limousin, Auvergne…) et au Sud-Ouest. Il est beaucoup plus rare au nord de la Loire, quoiqu’on le trouve en Lorraine. Le métayage est le mode de location foncière caractéristique des régions les plus pauvres, celles où les paysans n’ont ni cheptel (troupeau de bêtes), ni avances monétaires. Ernest Labrousse a mis en évidence un phénomène d’aggravation, entre 1770 et 1787, de la pression seigneuriale et fiscale sur le profit du métayer et du fermier réalisé par suite de la vente des céréales.
Sur ce graphique, on voit la part du profit du métayer diminuer brutalement au cours des années 1777-1787 par rapport à la période de base 1770-1776. Cette chute du profit du métayer est causée par une hausse très forte de la valeur des prestations en nature et des aides (taxations opérées sur le travail) exigées par le bailleur. Dès 1780, la pression de la dîme et des redevances seigneuriales a plus que doublée quand celle des aides est allée jusqu’à quadrupler. En 1786, les dîmes, les droits seigneuriaux et autres aides représentent désormais quatre fois le profit moyen réalisé par le métayer ! Celui-ci ne peut donc plus dégager, si minime soit-elle, une quelconque marge bénéficiaire qui puisse être encore raisonnable. Par rapport aux années de base 1770-1776, les charges prélevées sur sa production se sont donc aggravées, au cours de la décennie 1777-1787, dans une proportion de 1 à 13. Labrousse a également dévoilé, pour les années 1770-1791, un prélèvement de la dîme, des droits seigneuriaux et des aides absolument record - à l'échelle de toute l’histoire d’Ancien Régime - opéré sur le profit, cette fois-ci monétaire et non en nature, du métayer. Ainsi, lui qui souffre déjà comme toutes les catégories populaires de la crise et de l’inflation, se voit doublement pénalisé - en raison d’un taux d’extorsion de la valeur opéré sur sa production en nature et de la ponction réalisée sur ses revenus monétaires qui prennent, dans les dernières années d’Ancien Régime, des proportions toujours plus indécentes. Et s'il n'y avait que ces prélèvements seigneuriaux et ecclésiastiques, la situation serait déjà, en l'état, tout à fait intenable, mais quand l'Etat lui-même accentue davantage la pression fiscale sur le paysan, alors, on peut dire que son compte est bon. Un cahier de doléances rédigé à Asnières regorge de précisions telles qu'il n'est guère permis de douter des complaintes qui s'en échappent. 

Lesdits habitants sont si pauvres... que tous les ans ils sont obligés d'acheter un nouveau pot de fer pour faire un peu de mauvaise soupe, en ce que l'huissier leur enlève au temps [du paiement de l'impôt] celui qui leur a servi toute l'année, et le vend avec le reste de leurs pauvres guenilles pour remplir leur cote [recouvrer le montant de la taille] s'il s'en trouve assez...Une autre preuve de la misère de cette paroisse, c'est la disette des bœufs, qui depuis dix ans est réduite au moins à un tiers de diminution, puisqu'on en comptait alors 66 paires et qu'à présent il s'en trouve que 41... La paroisse... n'ayant absolument aucun pacage et ne pouvant faire aucun élève [élevage], elle a encore le malheur d'être sur les reins de la forêt d'Aulnay... de voir tous les ans un pacage abondant dans cette même forêt sans oser y faire pacager une seule pièce de bétail qu'ils ne subissent le sort d'être pris par les gardes et ensuite vendus au profit de Sa Majesté, et les propriétaires de ce même bétail condamnés à des amendes considérables...
 
Nous reviendrons dans un instant sur ce problème des charges fiscales comme formes de l'extorsion de valeur.

Les fermiers & laboureurs

    Dans les pays de grande culture, notamment les riches plaines céréalières du Bassin parisien et les plaines limoneuses à blé, ce sont généralement des gros fermiers qui accaparent les terres mises en location par les seigneurs, clercs et bourgeois, le plus souvent au détriment des brassiers et des petits propriétaires qui n'ont pas de quoi louer. Bien entendu, ces fermiers opulents constituent une petite minorité face à la masse des petits fermiers. Ils sont très présents en Picardie, en Normandie orientale, en Brie ou encore en Beauce. Ils forment, en quelque sorte, une véritable “bourgeoisie rurale”. Ils accumulent haines et colères de la part des populations campagnardes qu’ils contribuent à prolétariser. Bien entendu, leur importance économique va de soi : ils sont les initiateurs, dans les riches campagnes céréalières, de la progressive transformation capitaliste de l’agriculture. Ils prennent à bail de vastes exploitations pour 9 ans généralement, et les montants de location exigent donc un capital d’exploitation très conséquent.
    Proches socialement des grands fermiers, il y a les laboureurs. Ce sont des paysans propriétaires aisés sinon riches, ou alors des fermiers louant de grandes exploitations avec des baux essentiellement en argent. Eux aussi constituent un petit groupe homogène et dont l’influence, cette fois-ci sociale plus qu’économique, est grande. Ces laboureurs sont généralement les notables qui sont pour ainsi dire à la tête des communautés paysannes. On les appelle également les coqs de village. Ils forment une espèce de bourgeoisie rurale. La plupart d’entre eux commercialisent une partie de leurs récoltes, mais qui ne formait qu'un faible pourcentage de l’ensemble de leur production. Lors des bonnes années, ils écoulent leurs excédents de céréales et dans certaines régions, ils vendent essentiellement du vin, marchandise dont le prix se caractérise jusque vers 1777-1778 par une très forte hausse, avoisinant les 70%. Cette paysannerie propriétaire opulente a donc bénéficié de la montée des prix agricoles consécutive à l’inflation de longue durée, jusque vers les premières années du règne de Louis XVI, avant de connaître un retournement de conjoncture lors de la crise économique de la fin de la décennie 1780.

    On voit donc que la société rurale elle-même comportait, à l’instar de toutes les autres composantes essentielles de la société d’Ancien Régime, des nuances et des oppositions. Les grands fermiers et laboureurs, les fermiers, les métayers, les petits paysans propriétaires et les brassiers prolétaires forment une hiérarchie rurale complexe qui correspond à l’extrême disparité des fortunes et des rangs dans le jeu économique. Tout ce monde paysan est celui qui - à côté des activités artisanales, manufacturières et industrielles - produit l'essentiel des richesses. La société d'Ancien Régime repose donc en grande partie sur lui. Du reste, les contemporains eux-mêmes en avaient conscience, comme en témoigne cette estampe d'époque que nous avions mobilisé comme image de garde de notre article sur la noblesse


La "sphère de la production matérielle" & l'extorsion de la valeur 

    Le monde paysan est celui qui supporte le plus l’écrasante structure de prélèvement d’Ancien Régime. Il est le lieu où s’opèrent les plus nombreuses et les plus importantes ponctions de valeur. Il est, avec le monde artisanal et manufacturier-industriel, le lieu d'extorsion du surtravail, pour reprendre le mot de Marx, lequel désigne la part du travail effectué par le producteur qui ne lui est pas restituée sous forme de salaire, se transformant ainsi en plus-value accaparée par le patron. Dans son Histoire du capitalisme, l'économiste Michel Beaud a réalisé un schéma qui tente de recomposer le processus de création et d'extorsion de la valeur, tel qu'il s'opère dans la société d'Ancien Régime au XVIIIe siècle. 
    On voit dans ce schéma qu'à la base de la société, il y a le monde du travail productif, agricole en majeure partie mais également artisanal et manufacturier. Cette base est dénommée par Michel Beaud la "sphère de la production matérielle". Si une partie du travail agricole sert essentiellement à l'autoconsommation paysanne, le reste de la valeur produite par le travail est prélevé, sous forme de rentes en travail, en nature ou en argent, au profit du seigneur et du clergé; et sous forme de taxations multiples au profit de l'Etat qui soumet les roturiers à l'impôt. A la marge de cette sphère de la production matérielle, on trouve tous les vaincus définitifs du système, les mendiants et les vagabonds qui étaient estimés déjà au XVIIe siècle par Vauban comme représentant 10% de la population française. Les prélèvements opérés sur le travail agricole et artisanal circulent sous forme de valeurs accumulées dans la société, se répartissant entre la machine étatique, les ordres privilégiés et les bourgeois d'affaires et de finance. Au sommet de cet édifice d'accumulation reposant sur l'extorsion de la valeur produite par le travail, on trouve tout un système de circulation de richesses - sous la forme le plus souvent monétaire et aussi de dettes - innervant toute la société mais servant essentiellement : 
  • au bon fonctionnement de l'appareil d'Etat et ses cohortes de fonctionnaires;
  • au service de la famille royale et des courtisans de Versailles;
  • aux grands commis de l'Etat et aux fermiers généraux qui récupèrent une partie de la valeur extorquée sous la forme d'impôts indirects, prérogative qui leur a été déléguée par l'Etat lui-même;
  • au haut clergé, principalement en nature via la dîme, mais qui commercialise une partie des récoltes ponctionnées sur les paysans, transformant ces richesses naturelles en profit monétaire;
  • aux seigneurs et autres propriétaires fonciers bourgeois, qui prélèvent sur le travail paysan des rentes en nature et en argent par toute une série de droits attenants aux fiefs;
  • aux banquiers et négociants qui récupèrent une partie de la valeur produite sous forme monétaire et qui la font circuler - via des prêts à intérêts, des investissements et des spéculations multiples, notamment sur les biens immobiliers et sur les lettres de change - et qui investissent dans le commerce colonial et dans les échanges internationaux...
    Ainsi était bâti l'Ancien Régime, sur l'extorsion de la valeur produite, en très grande partie, par la paysannerie. Cette appropriation de la richesse au détriment des producteurs s'opérait donc par un système complexe et protéiforme de prélèvements mettant en jeu toute une série d'agents économiques. Il faut y regarder d'un peu plus près.

Une paysannerie asphyxiée par les charges fiscales

    Le paysan était soumis à la majeure partie des charges que lui imposaient aussi bien l’Etat que les ordres privilégiés. Il était pris dans l’étau des prélèvements fiscaux, ce qui le confinait à évoluer dans la pauvreté en payant le plus possible pour que d’autres puissent s’enrichir à sa place sans fin. Il était, pour le dire vulgairement, la vache à lait du système. Mathiez, dans un style autrement plus relevé, indique aussi que les "paysans sont les bêtes de somme de cette société ". Nous pouvons faire parler directement les individus de l'époque en invoquant un cahier de doléances de la commune de Château-Garnier, qui adresse au roi la douloureuse complainte que voici : 

Ceux qui ne vont pas à la guerre demeurent à faire valoir la terre et enfin tâchent de la cultiver du mieux qu'il leur est possible pour subsister. Tombent là-dessus, on ne cessera de le dire, une foule d'impositions royales qui sont perçues par sept collecteurs chargés d'en faire le recouvrement; souvent de fois, les habitants ne peuvent point payer; on envoie la garnison, on la promène dans la maison, avec son air imposant; on pleure, on crie, on gémit, et l'on écoute point cela; il faut de l'argent; n'en ayant point, on exécute le chaudron, on arrache la crémaillère qui le tient pour faire chauffer l'eau et pétrir le pain d'orge et souvent d'avoine des malheureux; on nomme un dépositaire des meubles exécutés, et l'on fait vendre à la porte de l'église, au dernier enchérisseur, le dimanche suivant, quoi qu'il est expressément dit, par un nouveau règlement que ces malheureux ne connaissent point, qu'il n'est pas permis d'exercer une pareille contrainte...¹⁰
 
    Toutes ces charges qui pesaient sur le dos des paysans étaient d'autant plus lourdes que l’économie rurale, en cette fin de XVIIIe siècle, ne progresse plus, devenant même de plus en plus archaïque. C'est bel et bien contre toutes ces charges et prélèvements fiscaux imposés par la monarchie et l’aristocratie que la paysannerie trouvait son ferment d’unité. 

Les charges royales

    Le paysan est à peu près le seul individu que l'on oblige à payer la plupart des impôts royaux. Il paye la taille, et il doit contribuer également à la capitation et aux vingtièmes. Lui seul est astreint à la corvée des routes, aux transports militaires, au logement des gens de guerre, à la milice. Il est surtout contraint de supporter les impôts indirects, notamment la gabelle, impôt sur le sel particulièrement lourd. Jean Nicolas a réalisé des travaux de toute première importance sur les révoltes populaires dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a recensé 8528 évènements rébellionnaires entre 1661 et 1789 dans le royaume, évènements allant de légers troubles civils aux très grandes révoltes urbaines et campagnardes¹¹. Parmi les nombreux motifs de mécontentement, la gabelle tient une place importante. Les sources de l'époque, notamment les rapports de police, ont fait état maintes fois de ce mot d'ordre des gens en colère : "Vive le roi sans gabelle"
    Ces charges royales, après s’être quelque peu allégées pendant la majeure partie du XVIIIe siècle par rapport à l’écrasant siècle précédent, connaissent une nouvelle poussée avec la guerre en Amérique. En Flandre wallonne, l’impôt direct, sous le seul règne de Louis XVI, augmente de 28%.

Les charges ecclésiastiques

    Il a déjà été question en détail des impôts ecclésiastiques lors de la partie 2 de notre étude. Il suffira de s’y reporter. Disons simplement ici que ces charges sont de moins en moins acceptées et comprises par les paysans en cette fin de XVIIIe siècle, surtout qu’elles étaient inféodées la plupart du temps aux évêques, aux chapitres, aux abbayes, voire même aux seigneurs laïques. En somme, les impôts perçus par le clergé ne servaient que fort peu, en ces temps de crise, à l’entretien du culte ou encore au soulagement des pauvres et des miséreux de la paroisse. Ils servaient, en grande partie, aux membres du haut clergé qui menaient grand train.

Les charges seigneuriales

    Elles sont de loin les plus lourdes que les paysans aient à supporter. Elles sont aussi les plus impopulaires et les plus honnies. Liées au régime féodal, elles pèsent sur toutes les terres roturières et entraîne la perception des droits féodaux. Le seigneur, fort de ses privilèges et de ses droits féodaux, possède sur ses terres la justice, haute et basse, symbole de sa suprématie sociale. La basse justice est une arme économique entre ses mains et il s'en sert pour exiger de façon intangible le paiement de ses droits par les paysans. C’est donc un instrument indispensable à l’exploitation seigneuriale de l'homme par l'homme, car il permet au seigneur, au sein de son propre tribunal, d'être à la fois juge et partie, face au paysan.
    Les droits seigneuriaux proprement dits comprennent les droits exclusifs de chasse et de pêche, de colombier, la perception de droits sur les foires et les marchés, les péages, les corvées personnelles effectuées par les paysans au service de leur seigneur, le droit de ban qui revêt des monopoles économiques, notamment les banalités du moulin, du pressoir ou du four. Le seigneur jouissait en outre des droits réels, lesquels pesaient en principe sur les terres et non sur les hommes. A ce titre, il conservait la propriété éminente, c’est-à-dire directe, des terres (tenures) que cultivaient les paysans qui, pour leur part, n’en avaient que la propriété utile, en vertu de quoi ils devaient payer des redevances annuelles, comprenant les rentes et un cens, généralement en argent, ainsi que le champart sur les récoltes (prélèvement effectué par le seigneur sur une partie des récoltes du paysan). Il y avait encore les redevances casuelles, qui se décomposent en droits de lods et ventes, qui sont des taxations que le seigneur opère sur les ventes ou les héritages des terres de ses paysans. On disait des hommes d'Ancien Régime qu'ils étaient pris dans les filets de la religion, à quoi il convient de rajouter que le paysan, lui, était également pris dans les rets de la domination seigneuriale. Dans "presque toute la France" écrit Jean-Paul Bertaud, "nulle terre sans seigneur. La terre que le paysan travaille fait partie d'une seigneurie et il n'en a que la «propriété utile». Dans la nuit des temps, le seigneur, possesseur de toutes terres, en a concédé une partie aux ancêtres qu'il protégeait de ses armes. Le seigneur conserve des droits sur les hommes et les biens fonciers. Il possède des droits de justice [...], cette basse justice, c'est le moyen d'intervenir dans la vie de tous les jours pour exercer une police et prononcer des jugements qui rapportent. En cas de conflit entre le seigneur et le paysan sur le paiement des autres droits, l'exercice de cette basse justice fait le seigneur juge et partie et lui permet d'avoir toujours raison.¹²"
    Ce régime seigneurial d’exploitation et d’extorsion de la valeur produite par le paysan varie en intensité suivant les régions. Il est particulièrement âpre en Bretagne et en Lorraine et généralement plus souple ailleurs. Il accable les paysans qui n’en peuvent décidément plus à la veille de 1789. Il se produit d’ailleurs ce que l’on a appelé une réaction seigneuriale. A cause de l’appauvrissement progressif de la plupart des hobereaux qui se produisit tout au long du XVIIIe siècle, le régime féodal s’est significativement durci, notamment avec l’invocation, par les seigneurs, des terriers. Les justices seigneuriales, en cas de contestation de la part des paysans, les accablaient davantage. Les seigneurs se sont également ingéniés à porter atteinte le plus possible aux droits collectifs des paysans, notamment leurs droits d’usage sur les communaux, lesquels constituent des propriétés collectives qui permettent aux paysans de survivre. Nous allons y revenir dans un instant. Les seigneurs réclamaient la propriété éminente sur les communaux, car les édits de triage, qui leur accordaient souvent le tiers de ces terres communes, ne leur suffisaient pas. Dans certaines régions, la réaction seigneuriale fut très violente. Ainsi dans le Maine où s’opère, au cours du XVIIIe siècle, une concentration de plusieurs seigneuries. Les seigneurs usèrent systématiquement de leur droit d’aînesse - qui consiste en la concentration, au profit du fils aîné, des biens de la famille afin qu’ils ne soient pas morcelés - afin d’étendre leurs fiefs et s'approprier la part la plus grande possible des communaux. En Franche-Comté, perdurait le droit de suite malgré son interdiction en 1779 - nous avons évoqué cela plus haut - et il se pratiquait encore dans toute sa rigidité. Il s’appliquait sur les serfs et les mainmortables avec une grande dureté. L’édit de 1779, devant sa non application par les nobles de la région, a dû être inscrit militairement - tant les privilégiés locaux désiraient ardemment son maintien - sur les registres du Parlement en 1788 seulement, après une séance de 38 heures !
    Cette réaction seigneuriale fut encore aggravée par la hausse des prix. L’inflation donna une plus grande valeur au champart et à la dîme que le seigneur et le décimateur percevaient en nature. Pris entre l’augmentation des charges et par la hausse constante du coût de la vie qui s’accélère intensément dans les années 1785-1789 - en plus d'une forte poussée démographique tout au long du siècle -, les paysans ont de moins en moins d’argent. Cet appauvrissement des masses paysannes a provoqué une stagnation des progrès agricoles. Lors des crises, la pression seigneuriale et cléricale avait tendance, comme si cela ne suffisait pas, à s'aggraver. Le paysan, en temps normal, vivait tout juste de son domaine. Alors, en temps de crise, une fois la dîme, les droits féodaux et les impôts royaux prélevés sur son dos, il en était souvent réduit à devoir acheter les grains au prix fort, ce qui faisait donc mécaniquement augmenter le prix du pain dans le royaume, ce qui pénalisait à terme toutes les classes populaires urbaines et rurales. Il est donc aisé de comprendre qu’à l’égard des puissances seigneuriales, la haine des paysans est définitivement inexpiable. Un cahier de doléances rédigé par le bas clergé d'Amont s'insurge contre les affres d'une féodalité qui persistent à ne pas vouloir s'évanouir; et l'on y parle de cet asservissement "injuste, esclavage honteux dans un royaume libre, dans un royaume de Français ou Francs.¹³" Assurément, la question des droits féodaux sera la préoccupation majeure de la paysannerie en 89.

La survie par les droits collectifs

    L’exploitation traditionnelle du sol permettait, dans une certaine mesure, aux paysans pauvres de parer quelque peu à leur manque de terre. Les communautés villageoises demeuraient très vivaces, et les communaux - formes de propriétés collectives permettant aux paysans les plus pauvres de survivre - étaient répandus. Les communautés villageoises étaient pourvues par ailleurs d’une organisation politique et administrative, composée d'assemblées et de syndics, et elles remplissaient le plus souvent une fonction économique : elles tendaient au maintien, là où les paysans démunis étaient les plus nombreux, des droits collectifs anciens qui réglementaient les communaux. Dans le Nord et l’Est du royaume, le terres étaient morcelées en parcelles longues, étroites et ouvertes, groupées en 3 soles sur lesquelles alternaient les cultures : blé d’hiver et céréales de printemps. Une sole était toujours en jachère afin de laisser la terre en repos. Dans le Midi de la France, on distinguait traditionnellement deux soles seulement. Les terres en jachère ainsi que les champs dépouillés de leurs récoltes étaient considérés comme des communaux, idem pour les prés après la première coupe du foin : il s’agissait des droits de seconde herbe. Ces deux formes d’assolement sont soumis au droit de vaine pâture, lequel autorisait chaque paysan à envoyer son bétail sur les communaux. Donc, les champs et les prés restaient ouverts en permanence. Les biens communaux et les droits d’usage collectifs qui y sont attachés, offrent quelques ressources complémentaires aux paysans pauvres, notamment grâce aux droits de glanage et de chaume.
    La grande masse des paysans survivait grâce à tous ces droits collectifs. En face, les paysans riches, grands fermiers et laboureurs, sont hostiles aux droits collectifs car ils restreignent leur liberté d’exploitation et leur droit de propriété. En Angleterre, de telles structures communes existaient également mais elles ont progressivement été abolies entre le début du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle par les enclosures, des actes juridiques privatisant les communaux et permettant ainsi la constitution de grandes propriétés agricoles. Les enclosures ont engendré l’expropriation continuelle des paysans modestes qui s’en allèrent dans les villes pour y devenir ouvriers. En France, le phénomène des enclosures à l’anglaise, permettant le passage à une agriculture totalement capitaliste, ne s’est pas produit, malgré tous les efforts des fermiers riches - partisans d'une forme d'individualisme agraire hostile aux droits collectifs - qui luttèrent farouchement contre les communaux afin d’étendre leur propriété individuelle. Comme en Angleterre, ils ont activement milité pour obtenir de la part de l’Etat des édits de clôture, mais ce fut principalement un échec. La révolution permettra en quelque sorte (pour des raisons que l’on verra plus tard), la perpétuation, jusqu’au XIXe siècle, des communaux. L’exploitation en France restait donc, dans son ensemble, de nature précapitaliste. Le petit paysan n’avait pas les mêmes conceptions de la propriété que le noble, le bourgeois ou encore le grand fermier des pays de grande culture. Sa vision de la propriété était collective, ce qui heurtait fondamentalement la notion bourgeoise du droit absolu du propriétaire à pouvoir jouir, librement, de la plénitude de son bien. Alors, les paysans, qui se soulèveront contre la noblesse lors de la révolution à cause des droits féodaux, devront composer aussi avec la bourgeoisie en cela que leurs vues sur la propriété ne sont point conciliables. Le problème de la propriété de la terre sera donc l'un des principaux lieux de tension entre les possédants et les classes populaires rurales mais aussi urbaines.

Conclusion

    Nous avons enfin terminé notre troisième partie sur les structures de la société d'Ancien Régime. La partie 4, qui est à venir, sera consacrée à l'analyse de l'Etat monarchique. 
    En guise de conclusion, nous vous proposons un passage que l’on trouve chez Albert Soboul, lequel reprend une citation d’Arthur Young, ingénieur et agronome anglais qui voyagea en France entre 1787 et 1790. Il n'est guère besoin d'un commentaire concernant ce qui va suivre; il nous suffit de vous restituer intégralement ce passage dur et bouleversant.

Le 12 juillet 1789, faisant route de Reims à Metz, le voyageur anglais Arthur Young, après avoir traversé Les Islettes en Argonne, «un village ou plutôt un amas de boue et de fumier», gravissait à pied une longue côte, pour reposer sa jument. Il fut rejoint par une pauvre femme. «Vue de près, on lui aurait donné soixante ou soixante-dix ans tant sa taille était courbée et son visage ridé et durci par le travail; mais elle me dit qu’elle n’en avait que vingt-huit.» La paysanne se plaignit du temps et du pays. «Comme je lui en demandais les raisons, elle dit que son mari n’avait qu’un morceau de terre, une vache et un pauvre petit cheval, et que cependant ils avaient à payer à un seigneur une rente d’un franchar [42 livres] de blé et trois poulets, et à un autre quatre franchars d’avoine, un poulet et un sou, sans compter les lourdes tailles et d’autres impôts. Elle avait sept enfants et le lait de sa vache servait à faire la soupe. Mais pourquoi au lieu d’un cheval, n’avez-vous pas une autre vache ? Oh ! Son mari ne pourrait transporter les produits de son champ aussi bien, s’il n’avait pas de cheval, et l’on ne se sert guère d’ânes dans le pays. On dit qu’à présent quelque chose va être fait par de grands personnages, pour nous pauvres gens, mais elle ne savait pas qui, ni comment; mais que Dieu nous envoie quelque chose de meilleur, car les tailles et les droits nous écrasent.»¹⁴
 

"Les malheureux sont les puissances de la terre; ils ont le droit de parler en maître aux gouvernements qui les néglige."
Saint-Just 

¹ Albert Soboul, La Révolution française, Paris, Gallimard, 1982, p.81.
² Jean-Paul Bertaud, La Révolution française, Paris, Perrin, 2004, pp.24-25.
³ Marx, à propos de ce phénomène de paupérisation  - touchant les brassiers, mais également tous ces petits propriétaires parcellaires contraints de s'engager de façon saisonnière dans les ateliers ou à domicile au profit des marchands-fabricants -, applique la loi de surpopulation qu'il présente dans la section VII, chapitre XXV du livre I du Capital, où l'on trouve un passage des plus parlants et en résonance avec notre propos : «Pour que les districts ruraux deviennent pour les villes une telle source d'immigration, il faut que dans les campagnes elles-mêmes il y ait une surpopulation latente, dont on n'aperçoit toute l'étendue qu'aux moments exceptionnels [la crise des années 1785-1789 étudiée dans la sous-partie précédente en constitue un] où ses canaux de décharge s'ouvrent tout grands.» Alors, rajoute Marx, l'ouvrier agricole «se trouve par conséquent réduit au minimum du salaire et a un pied déjà dans la fange du paupérisme Le Capital, Livre I, 1867, in Œuvres I, Economie I, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1963, p.1160.
 Graphique d’Ernest Labrousse repris dans Albert Soboul, La civilisation et la Révolution française, I/ La crise de l'Ancien Régime, Paris, Arthaud, 1970, p.462.
Chiffres établis par Ernest Labrousse, repris par Albert Soboul, op.cit., p.463.
 passage cité dans Pierre Goubert, Michel Denis, Les Français ont la parole, Paris, Gallimard, 2013, pp.119-120.
Voir dans le livre I du Capital de Marx les sections III et IV portant respectivement sur la plus-value absolue et la plus-value relative
 Schéma pris dans Michel Beaud, Histoire du capitalisme, 1500-2010, Paris, ed. Points, 2010 (6e éd.), p.78.
 Albert Mathiez, La Révolution française, Paris, Bartillat (3e édition), 2012, pp.37-38. Mathiez, dans ce passage, dresse un inventaire des torts qui sont faits aux paysans : "Dîmes, cens, champarts, corvées, impôts royaux, milice, toutes les charges s'abattent sur eux. Les pigeons et le gibier du seigneur ravagent impunément leurs récoltes. Ils habitent dans des maisons de terre battue, souvent couvertes de chaume, parfois sans cheminée. Ils ne connaissent la viande que les jours de fête et le sucre qu'en cas de maladie [...]. Les plus à plaindre sont ceux qui n'ont pas réussi à acquérir un peu de terre. Ceux-là s'irritent contre le partage des communaux par les seigneurs [...]. Nombreux aussi sont les journaliers qui subissent de fréquents chômages de se déplacer de ferme en ferme à la recherche de l'embauche. Entre eux et le peuple des vagabonds et des mendiants la limite est difficile à tracer. C'est là que se recrute l'armée des contrebandiers [...] en lutte perpétuelle contre les gabelous [les collecteurs de la gabelle, l'impôt sur le sel]."
¹⁰ passage cité dans Pierre Goubert... op.cit., p.119.
¹¹ Jean Nicolas, La rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Paris, Seuil, 2002.
¹² Jean-Paul Bertaud, op.cit., p.25.
¹³ passage cité dans Pierre Goubert, op.cit., p103.
¹⁴ Albert Soboul, La civilisation et la Révolution française, I/ La crise de l'Ancien Régime, Paris, Arthaud, 1970, p.480.

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